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07.03. Babel - Chapitre VII (3/4)
lundi 10 décembre 2007, par
Alain ne répondit rien et déplia la première des deux cartes que lui avait envoyées son ami. Elle était beaucoup plus grande que celles qu’il avait achetées et détaillait la totalité des carrières du quatorzième, cinquième et sixième arrondissement. De plus, outre le tracé des galeries et des rues, elle comportait de petits textes explicatifs concernant les endroits remarquables : fontaines, tombes, ossuaires…
Il chercha des points de repère et trouva bientôt l’endroit où il était descendu dans les entrailles de la capitale.
— Tu vois, dit-il, je suis entré par là…
Il suivit du doigt une galerie et reprit :
— Là j’ai trouvé les traces du meurtrier et je les ai suivies par ici, dit-il en continuant à désigner le tracé des passages. Là j’ai été bloqué par le mur dont je t’ai parlé et le béton a commencé à me couler dessus…
— Tu as eu de la chance de t’en tirer.
— Plutôt ! Je n’ai pas vraiment envie d’y retourner.
— De toute façon le passage est bouché.
— Ce passage-là, oui ! Mais pas les autres. Regarde : on peut arriver au pilier sud-est par le passage sous le boulevard Montparnasse…
— Et comment y rentres-tu ?
— Par une trappe quelconque. Regarde il y en a une ici…
— Oui mais elle est fermée depuis 1993. C’est du moins ce qu’il y a marqué…
— Exact… Celle-là… Flûte, elle aussi elle est fermée ! Attends j’en connais une qui est encore accessible, le tout est de savoir si elle permet de rejoindre les galeries de la tour.
Alain chercha du doigt l’emplacement de son commissariat :
— Ici il y a une trappe. Elle est juste maintenue fermée par un bloc de béton. On peut le pousser et…
Patricia, qui lisait elle aussi les indications inscrites sur la carte, s’exclama :
— Juste devant un commissariat de police ! Tu plaisantes ?
— Je sais bien que c’est devant un commissariat ! C’est là que je travaille… Je connais tout le monde. Je n’aurais aucun mal à trouver un prétexte pour descendre.
— Et tu es sûr qu’on peut aller jusqu’au pied de la tour ?
— Oui, regarde…
Alain lui montra du doigt un chemin possible : une vingtaine de mètres vers le sud, puis cap à l’est sous la rue Daguerre, cap au nord sous le cimetière du Montparnasse, direction le carrefour Raspail et enfin cap à l’est sous le boulevard Montparnasse.
— Apparemment tu as raison, dit-elle.
— Si aucun passage n’est bouché, on doit pouvoir passer par là… Mais je ne sais pas si ça en vaut vraiment la peine.
— Si le premier passage que tu as emprunté a été muré, ce n’est sans doute pas sans raison !
— C’est peut-être une coïncidence…
— Il y a peu de chance. À mon avis ça vaut la peine de tenter le coup. Et puis j’aimerais assez aller visiter ces fameuses catacombes !
— Mais il n’est pas question que tu…
— Tu rigoles, l’interrompit-elle. Je ne te lâche plus !
— On verra, répondit simplement Alain. Pour le moment finissons donc de regarder les papiers de ton père.
— D’accord.
Ils retournèrent dans le salon pour poursuivre leur examen. Alain continua à vider le carton, feuille après feuille… Des cartes, toujours des cartes.
Des schémas aussi, en tout cas rien de très palpitant… à leurs yeux du moins. Alain fut le premier à remarquer :
— Tu as vu… Tous ces documents ont quelque chose à voir avec les ascenseurs.
— C’est vrai. Enfin presque !
— Pourquoi presque ?
Patricia lui tendit le dossier qu’elle venait d’extraire de la pile. Alain l’ouvrit et y découvrit un épais listing qu’il commença à lire :
— Bizarre… “128.131.27.194 SE001 Hector”, “128.131.27.210 SE002 Alfred”… et il y en a des pages entières. Ça ne veut rien dire !
— Pour toi peut-être…
— Parce que toi, tu y comprends peut-être quelque chose ?
— Non, je n’ai pas la moindre notion d’informatique. Mais si mon père a soigneusement gardé ces listings, c’est sans doute parce qu’ils étaient intéressants pour lui.
— Sur quoi bossait-il ?
— Difficile à dire, il est passé par toute une série de postes différents avant…
Sa voix s’étrangla en un sanglot mal contenu. Elle se domina et reprit :
— Mais une chose est certaine : lorsqu’il s’occupait des ascenseurs de la tour, c’était en tant qu’ingénieur informaticien. Comme tous ces papiers concernent les ascenseurs, il est possible que…
— Quel rapport entre les ascenseurs et l’informatique ?
— Je ne sais pas trop, je crois que mon père s’occupait de l’optimisation du déplacement des cabines… Ou de leur répartition… Ou quelque chose comme ça…
Encore un domaine que l’informatique avait envahi, songea Alain.
— On va en avoir le cœur net, dit-il. J’ai un copain passionné d’info. Je l’appelle…
Il prit le téléphone mais, après une courte hésitation, il se ravisa et le reposa lentement :
— Je ne vais pas l’appeler d’ici, j’ai la nette impression que chacun de mes coups de téléphone a permis aux autres de me suivre et même de me précéder quelquefois…
— Alors, allons le voir, proposa Patricia.
— Je ne sais pas si il est chez lui. Il a pris quelques jours de congés. Bien sûr il ne sort jamais de Paris, mais si il est allé se balader…
— Que proposes-tu ?
— Mes voisins sont absents. Ils m’ont laissé leurs clefs pour que je surveille leur appartement : on va aller téléphoner de chez eux…
Ils sortirent avec précaution sur le palier, vérifiant que personne ne les y attendait et Alain put enfin composer le numéro de Marc. Après deux sonneries, on décrocha :
— Allô, commença Alain…
La voix enregistrée d’un répondeur automatique le coupa dans son élan :
— Bonjour. Vous êtes bien chez Marc… Mais je ne suis pas là actuellement. Si vous me laissez un mot après le “bip”, je me ferai une joie de vous rappeler… Parlez, c’est à vous. Bip.
Alain n’aimait pas parler à une machine et, d’habitude, il préférait rappeler plus tard. Mais il voulait à tout prix contacter son ami. Il commença donc à laisser un message :
— Salut Marc, c’est Alain. Pourrais-tu me téléphoner le plus vite possible s’il te plaît. Je suis chez moi toute la journée… Rappelle-moi, c’est important…
Un déclic l’interrompit et Alain entendit la voix de son ami :
— Salut, Alain, tu vas bien ?
— Si on veut. Tu viens d’arriver ?
— Pas du tout. J’étais en train de bosser… Et quand je veux être tranquille, je mets le répondeur.
— Je ne savais pas… et je te comprends. Je n’en ai que pour une seconde.
— Ne t’inquiète pas, mes amis ne me dérangent jamais. Alors, qu’y a-t-il de si important ?
— Voilà, j’ai un listing informatique que je n’arrive pas à comprendre…
— Tu te mets aux ordinateurs ? Incroyable…
— Ça ne va pas, non ! Plutôt crever.
— Tu y viendras un jour.
— Jamais !
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