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10.04. Babel - Chapitre X (4/4)
lundi 10 mars 2008, par
La traversée du sas se fit sans incident, ainsi que la montée au sein de l’étage technique, vaste enchevêtrement de poutrelles, de câbles et de réservoirs aux mystérieux contenus, reliés les uns aux autres par des tuyaux multicolores.
Quelques minutes plus tard ils se retrouvaient dans la sixième section, dont les lumières s’allumèrent au moment où ils en franchissaient la porte, et qui, comme la précédente, ne se composait que de salles courbes aux plafonds infiniment lointains.
— C’est la même chose que tout à l’heure, murmura Patricia, rien n’a été construit ici non plus…
Puis :
— Il nous reste combien de temps ?
Alain consulta sa montre avant de répondre :
— Une demi-heure à tout casser…
— Seulement ?
— Seulement ! On va tout de suite rappeler Marc pour savoir ce qui se passe.
Passant de salle en salle à la recherche d’une prise, Patricia et Alain finirent par déboucher dans une salle panoramique située sur le flanc ouest de la tour. Contrairement à ce qu’ils avaient vu jusque-là, la salle était de dimensions modestes, et, loin d’être déserte comme les précédentes, recelait une quantité incroyable de végétaux en tous genres.
Patricia se précipita vers la baie vitrée suivie de près par Alain. À travers l’épaisse vitre légèrement fumée, Paris s’offrait à eux sous son voile, tel un colossal chapiteau de cirque. Mais le voile n’était pas tendu, bien au contraire, il formait une demie sphère mouvante au gré des vents. Il battait comme un gigantesque cœur et frémissait sous les caresses d’Éole comme le sein d’une femme…
Plus loin, au-delà du voile, l’atmosphère était plus sombre : un air lourd et pollué, chargé de fumées nocives recouvrait le sol de son épais manteau grisâtre. Plus lourd, beaucoup plus lourd que l’air, le vrai, il ne parvenait pas à gravir le dôme du voile.
Là-bas, à l’horizon, on aurait dit une côte dantesque, aux eaux noirâtres et sirupeuses mourant sur une plage aux reliefs mouvants…
La nuit était presque tombée, le ciel rougeoyait encore à l’horizon et, sous le voile translucide, les rues s’illuminaient, quartier par quartier, dessinant un plan géant de la capitale.
Tout semblait si calme, si paisible. Et pourtant !
Alain avait posé son bras sur les épaules de Patricia. Elle l’avait enserré par la taille. Ils étaient bien, presque heureux malgré les événements qui se préparaient.
Alain la regarda, la serrant tendrement dans ses bras.
Un tendre baiser les unit une nouvelle fois. Un long baiser qui leur sembla durer une éternité…
Alain s’écarta légèrement d’elle, sans la quitter des yeux :
— Je sais ce que tu vas dire, je manque de romantisme, mais…
— Le moment est mal choisi et Marc attend de nos nouvelles, le coupa-t-elle.
Ils reprirent leur recherche. Dans un coin de la salle panoramique se trouvait la prise convoitée. Suivant le rituel habituel, Alain se connecta et entama la conversation avec Marc :
ALAIN> On est en sixième section. MARC> Je vois ça. Les nouvelles sont mauvaises… ALAIN> Tant que ça ? MARC> Pires… L’Europe n’a pas renoncé. Deux vagues de six missiles foncent actuellement sur Paris… Ils arriveront dans douze minutes exactement.
Alain regarda machinalement sa montre, notant l’heure prévue de
l’impact. Patricia lui avait pris la main, qu’elle gardait convulsivement
serrée dans la sienne. Marc reprit :
Une dernière chose. Si les missiles anti-missiles ratent leur cible, le voile sera replié quelques minutes avant l’impact pour éviter des projections de plastique enflammé sur la ville. C’est ce qui a été annoncé aux infos : si on reste chez soi, toutes fenêtres fermées, on ne risque pas grand chose de la pollution extérieure. Par contre, si le voile s’embrase et tombe sur la ville… ALAIN> C’est noté. MARC> Bon, je crois qu’il est temps de se dire adieu… ALAIN> Je crois aussi. Bonne chance ! MARC> À vous aussi.
Alain regarda sa montre. Il leur restait dix minutes avant l’impact, si celui-ci avait lieu.
— Il faut se réfugier vers le centre de la tour…
— Ça ne nous prendra que deux ou trois minutes, répliqua-t-elle. J’aimerais voir Paris une dernière fois.
Alain regarda sa montre, hésitant à la laisser faire. Mais lui aussi le désirait et ils en avaient le temps :
— D’accord, mais en vitesse alors.
Ils retournèrent le long de la baie vitrée pour emplir leurs esprits de cette image qu’ils ne verraient jamais plus…
Un bruit de moteurs se fit entendre : le voile se repliait, happé par la tour. Ils n’eurent nul besoin d’autre explication pour comprendre ce qui allait bientôt se produire.
Pour la première et peut-être la dernière fois, Paris apparut à l’air libre.
Au loin, libérées par le départ du voile, les émanations nocives autrefois retenues envahissaient lentement les quartiers périphériques de la capitale.
— Les pauvres gens, murmura Patricia.
Comprenant sa pensée Alain répondit :
— Tu sais, mourir de ça ou d’une bombe…
Puis, regardant sa montre :
— Allez viens, il ne nous reste que trois minutes avant l’impact.
Ils se détournèrent de la fenêtre et se dirigèrent à pas rapides vers l’unique porte de sortie.
Derrière eux naquit soudainement une lueur aux reflets orangés tandis que s’enflait un grondement insoutenable…
— Déjà, songea Alain.
Patricia allait instinctivement se retourner. Il ne la laissa par faire : la saisissant par les épaules il la jeta au sol et, dans le même mouvement, se coucha sur elle, lui faisant un rempart de son corps.
Le bruit s’amplifia encore.
La lueur se fit lumière, puis éclair, perçant leurs paupières pourtant closes…
Ils crièrent mais ne s’entendirent point.
Puis, un choc.
Un immense choc, suivi d’une intense impression d’écrasement.
Ni Alain, ni Patricia ne sentirent la suite des événements. Ils venaient de s’évanouir, vaincus par l’impitoyable fureur des éléments qu’avait déclenchée l’homme…
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