Accueil > Divers (et d’été) > Babel - Un (mauvais) roman de mon ami Luc > 01.04. Babel - Chapitre premier (4/4)
01.04. Babel - Chapitre premier (4/4)
lundi 2 juillet 2007, par
L’homme de la RATP prit la parole :
— Je vais prendre la rame…
— Tu veux de l’aide ? lui demanda le moustachu.
— Non, ça ira. Normalement des brancardiers m’attendent à Luxembourg pour prendre le corps de ce pauvre Marcel Guilleau.
— Le conducteur ? demanda Alain.
— Paix à son âme ! répondit laconiquement l’autre.
— Allez, bon courage ! ajouta le moustachu. Puis s’adressant à Alain et en désignant le corps sur le ballast :
— On va ramener celui-là à Port-Royal. Vous me filez un coup de main ?
— J’aurais préféré reprendre le RER jusqu’à Gare du Nord, mais je ne vais pas vous laisser seul avec ce macchabée !
— Merci.
L’étrange et funèbre procession chemina le long des rails avant de déboucher dans la station sous le regard inquiet et curieux des voyageurs, serrés sur le quai dans l’attente d’un rétablissement de la circulation des trains.
Un homme en uniforme, qui devait être le chef de station, les interpella :
— Tout est rentré dans l’ordre ?
— Je pense, répondit l’agent. Le trafic devrait reprendre dans un instant.
— Vous l’emmenez où ? demanda le chef de station en désignant le corps.
— Dans la salle de repos, en attendant que l’ambulance arrive : ce n’est pas la peine que trop d’usagers soient au courant…
— Vous avez raison… Je retourne au poste de contrôle.
Ils remontèrent le cadavre sur le quai puis entrèrent dans le local des conducteurs où ils le posèrent sur le sol carrelé. Alain se laissa tomber sur une chaise avec un soupir :
— Drôle d’histoire, vous ne trouvez pas ? C’est plutôt étrange comme assassinat, non ?
— Bizarre en effet.
Le téléphone sonna et l’agent le décrocha aussitôt :
— Oui ?
On dut lui demander où en étaient les choses car il répondit :
— Tout est réglé. Nous attendons l’ambulance.
Puis :
— Je vous le passe.
Et il tendit le combiné à Alain.
— Montfranc à l’appareil.
Alain reconnu immédiatement la voix de son chef qui lui demandait :
— Vous allez bien ?
— Oui, pas de bobo !
— Tant mieux. Décidément vous avez le don de vous retrouver plongé dans des affaires peu communes…
— Je ne l’ai pas fait exprès chef !
— Je le sais bien… J’attends votre rapport détaillé sur les événements. Mais cela n’a rien d’urgent, vous le ferez demain matin.
— D’accord… À demain.
— À demain Montfranc. Euh…
— Oui ?
— C’était du beau boulot ! Les conducteurs m’ont chargé de vous transmettre un grand merci, ce n’est pas la première attaque qu’ils subissent, mais c’est la première fois que l’agresseur ne s’évapore pas dans la nature… Bravo !
Alain raccrocha le téléphone, pensif. Peut-être ce coup d’éclat allait-il lui valoir une réintégration dans les services actifs…
— On peut toujours rêver, murmura-t-il à cette pensée.
— Vous dites ? demanda l’agent qui n’avait pas quitté la pièce.
— Rien. Bon je rentre…
Alain quitta le local et se dirigea vers la tête du quai. Comme il y arrivait, il se ravisa, fit demi-tour et alla attendre le RER en queue :
— Il y a peu de chances que ça se reproduise, mais ne tentons pas le destin, pensa-t-il.
Le destin ne fut pas tenté puisqu’il regagna sans encombre son domicile où il dîna rapidement d’un plat préparé réchauffé au four à micro-ondes. Sa faim calmée, il se jeta avec délice sous une douche brûlante. Le crépitement de l’eau sur son corps le détendit et l’aida à faire le vide en son esprit.
Lorsque son âme fut suffisamment apaisée, il se sécha et alla se coucher. Mais le sommeil ne vint pas. Le film des événements de cette fin d’après-midi mouvementée ne cessait de défiler dans son esprit : le pare-brise qui se fendille, le conducteur qui tombe, inanimé, sa main tachée de sang… De plus, quelque chose le tracassait au fond de lui-même et l’empêchait de trouver le repos.
Il s’assit sur son lit et tenta de ne plus penser à ses aventures du jour en regardant la télévision, mais il ne réussissait pas à s’intéresser aux émissions proposées et passa le reste de la soirée à zapper de chaîne en chaîne, jouant avec les réglages du son et des couleurs…
La fatigue eut tout de même raison de lui. Il éteignit le poste et se recoucha en baillant. Cette fois-ci il réussit à s’endormir presque immédiatement… pour se réveiller en sursaut moins d’une heure plus tard. Comme le sommeil le fuyait à nouveau, il décrocha le téléphone et appela la permanence de son commissariat. Une voix ensommeillée lui répondit :
— Oui ?
— Alain Montfranc à l’appareil.
— Salut Alain. Pas encore couché ?
— Tu vois bien que je suis profondément endormi, banane ! Tu peux me rendre un service ?
— Ça dépend du service…
— Je t’explique. Ce soir il y a eu une agression dans le métro : un conducteur de RER a été tué. Tu peux envoyer une demande de renseignements sur le conducteur et sur son meurtrier ?
— Quel meurtre ? Attends je regarde le téléscripteur…
Après quelques instants d’attente pendant lesquels Alain entendit des bruits de froissements de papier entremêlés de grognements, son collègue reprit :
— Il n’y a rien eu ce soir. Tu délires mon vieux !
— Mais j’y étais…
— Je te dis qu’il n’y a rien. Allez, bonne nuit.
Et il raccrocha. Alain resta quelques secondes le téléphone à la main :
— Je croyais que les services d’informations fonctionnaient mieux que cela, se dit-il.
Il regarda son réveil : “minuit, l’heure du crime”, songea-t-il, mais aussi l’heure du dernier journal télévisé. Il ralluma le poste et prit les informations juste à leur début. Il les écouta attentivement, mais aucune nouvelle ne concernait son aventure. On ne parlait que de la recrudescence des problèmes économiques internationaux et de l’éventualité d’une nouvelle guerre mondiale. Mais cela faisait deux ans qu’elle était annoncée et Alain ne prêtait plus guère attention à ce genre de communiqués.
Une rapide recherche menée sur différents services de renseignements télématiques ne donna pas plus de résultat : nulle part il n’y avait trace du meurtre auquel il avait assisté.
Alain était intrigué par ce black-out, il ne pouvait cependant rien faire avant le lendemain. Il alla donc se coucher, mais avança l’heure de son réveil, “pour arriver tôt à son bureau et résoudre ce putain de mystère”, pensa-t-il.
Il sombra bientôt dans un sommeil sans rêve…
(c) 1992 Luc de Bauprois - Tous droits réservés
La loi du 11 Mars 1957 n’autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faites sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal