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02.01. Babel - Chapitre II (1/4)
lundi 9 juillet 2007, par
Chapitre II
Le lendemain matin, Alain quitta les bras de Morphée quelques minutes avant que son réveil ne sonne. Il s’étira longuement, comme un chat, et regarda en direction de la fenêtre de sa chambre. La lueur d’un jour nouveau, filtrant à travers les stores, le mit de bonne humeur.
Il se frotta les yeux et les images de la poursuite à travers le tunnel lui revinrent à l’esprit :
— Drôle de rêve, murmura-t-il, encore mal réveillé.
À l’autre bout de la pièce, le radioréveil se mit en marche, et sa sonnerie lancinante, entrecoupée par la voix monocorde du présentateur du journal de sept heures quarante-cinq, acheva de réveiller Alain. Il s’étira encore, avec volupté, se refusant à l’arrêter de suite afin de retarder au maximum le moment où il devrait se lever.
Entre deux “bips” il saisit le mot “RER”. Il se précipita pour commuter son réveil du mode “buzzer” au mode “radio”, ce qui lui permit d’entendre la suite des informations :
— …ducteur de la rame a eu un malaise entre les stations Port-Royal et Luxembourg. Les dispositifs d’alerte ont tout de suite joué : aucune victime n’est à déplorer. International : la conférence de paix prévue pour le week-end prochain est repoussée à une date indéterminée. Sport : hier soir…
Alain arrêta la radio :
— Ce n’était donc pas un rêve ?
Il réfléchit un instant et continua son monologue intérieur :
— Pas de victime ? Et le conducteur, alors ? Ce n’est pas une victime peut-être ?
Définitivement réveillé, il s’habilla hâtivement et se rendit à son bureau, reprenant son trajet habituel, via les transports en commun. De ce fait, il repassa par les lieux du crime ; comme le RER traversait le tunnel où avait eu lieu la poursuite, la rame ralentit et Alain ne put s’empêcher de regarder à travers la fenêtre : trois ou quatre ouvriers étaient occupés sur l’autre voie, apparemment à ranger leurs outils.
Alain songea que les balles tirées la veille avaient peut-être causé quelques dégâts et cette pensée le fit frémir : il redoutait qu’on lui reproche encore son zèle et qu’on le mute à nouveau…
Il décida d’en avoir le cœur net, quitta le wagon à l’arrêt suivant et rejoignit un guichet de vente où il demanda à voir le chef de station. On le dirigea vers un bureau souterrain situé non loin de là.
La porte ne comportait aucune poignée, juste une serrure. Il fut donc obligé de frapper et d’attendre… Quelques secondes après, il entendit jouer un verrou et la porte s’entrouvrit, livrant le passage à un employé de la RATP :
— Oui ?
— Bonjour, je voudrais voir le chef de station, répondit Alain.
— À quel sujet ?
— Police… répliqua Alain.
L’homme s’effaça pour le laisser passer et le conduisit jusqu’à un bureau encombré de nombreux dossiers.
Le chef de station, qui n’était pas celui qu’il avait rencontré la veille, était occupé à téléphoner et Alain dut encore patienter : il s’absorba dans la contemplation des posters qui décoraient la pièce, images de nature et de liberté, sous-bois verdoyants, plages ensoleillées, tapis de fleurs multicolores, qui tentaient désespérément de faire oublier l’absence de toute fenêtre.
Alain écoutait la moitié de dialogue d’une oreille distraite quand une phrase le fit revenir à la réalité :
— Comment ça ils parlent de se mettre encore en grève ?
Une grève ? Cela pouvait avoir un rapport avec les événements de la veille : les conducteurs cessant une nouvelle fois le travail sous le prétexte de manifester contre les dangers de leur profession ! Il écouta avec attention la suite de la conversation :
— C’est ce que je leur ai dit ! Je croyais qu’ils avaient compris.
…
— Je sais, mais tout de même. J’ai déjà abordé le sujet avec Marcel, le délégué CGT, et je croyais pourtant avoir réussi à lui faire entendre raison. Mais j’aurais dû me méfier : avec lui c’est toujours pareil, on ne peut pas se fier à ce qu’il dit… Tu crois qu’il n’y a plus rien à tenter ?
…
— On peut essayer ça… Après tout, on n’a rien à perdre. Mais merde ! Une grève sous prétexte qu’un contrôleur s’est fait traiter de crétin… Il se serait fait casser la gueule, j’aurais compris, mais là…
Aucun rapport avec son aventure donc… Alain continua cependant son indiscrète écoute :
— C’est vrai. Bon, je vais retourner discuter avec eux, mais je ne te promets rien ! Tu sais comme ils sont les syndicalistes, quand ils ont décidé quelque chose…
…
— D’accord ! Salut.
Il raccrocha le téléphone, puis se tournant vers Alain :
— Excusez-moi. J’ai des problèmes avec les syndicats en ce moment…
— C’est ce que j’ai cru comprendre.
— Que puis-je pour vous ?
Alain lui montra sa carte de police avant de répondre :
— Je voudrais simplement savoir si les travaux qui ont lieu dans le tunnel ont un rapport avec les événements d’hier soir.
— Quels événements ? Je ne suis au courant de rien. Quant aux travaux, ils ne sont pas de mon ressort.
Alain était étonné de constater l’ampleur apparente du black-out fait sur l’affaire.
— Où pourrais-je me renseigner ? reprit-il.
— Le plus simple serait d’aller demander aux ouvriers. Mais je n’ai vraiment pas le temps de vous y accompagner.
— Je ne peux pas y aller seul ?
— C’est dangereux, vous savez ! Vous connaissez les règles de sécurité ?
Alain réfléchit un instant. Puis il répondit :
— C’est moins dangereux que dans le métro : il n’y a pas besoin de faire attention où l’on pose les pieds. Je suppose qu’il faut marcher à droite, puisque le RER roule à gauche et se planquer dans une niche dès que l’on en voit arriver un…
— Pas besoin de marcher à droite, il suffit de rester le long des parois. Par contre il faut effectivement vous réfugier dans une niche dès que vous en entendez un venir. Et quelle que soit sa direction : le danger ne vient pas tellement du risque de se faire heurter par le train, il y a de la place dans les tunnels, mais du souffle qu’il provoque ! C’est de là qu’il vient le vrai danger. Vous savez, l’effet d’aspiration est tel qu’il limite la vitesse sous tunnel : si nous tentions de dépasser le cent kilomètres à l’heure, nous arracherions tous les équipements de voie…
— Ça va, j’ai compris la leçon. Je peux y aller ?
— Allez-y si vous le voulez vraiment, mais moi, je ne vous ai jamais rencontré. Si vous avez un accident, je ne veux pas être tenu pour responsable.
— D’accord. Merci pour vos renseignements.
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