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02.03. Babel - Chapitre II (3/4)
lundi 23 juillet 2007, par
— Bonjour Chef.
— Bonjour Montfranc. J’attendais votre coup de téléphone. Vous arrivez bien tard à ce qu’il me semble…
— Je suis passé enquêter sur l’affaire d’hier soir. Figurez-vous que…
Alain n’eut pas le temps de finir sa phrase :
— Du calme ! De toutes manières vous n’êtes pas chargé de l’affaire et…
— Mais je suis le plus à même de m’occuper du dossier, j’étais sur les lieux et je sais mieux que tout le monde…
— Ce n’est pas moi qui décide de tout, Montfranc ! J’ai des ordres moi aussi et ils viennent de très haut ! Alors ne me compliquez pas la vie et faites comme moi : obéissez…
— Mais pourquoi, chef ?
— Si on vous met sur l’affaire, vous allez encore faire un foin de tous les diables… Et dans ce genre d’histoire, il vaut mieux faire preuve de doigté, sinon nous allons encore avoir des mouvements de panique chez les voyageurs. Vous savez ce qui se passe dans ces cas-là : il y a toujours un con pour se balader avec une arme et ça finit par des morts…
Alain se sentit découragé :
— Je ne reviendrai jamais dans le service actif, n’est-ce pas ?
— Pas pour le moment, j’en ai peur. Il faut que vous fassiez preuve de patience, Montfranc.
— Je sais, mais je croyais avoir été suffisamment patient…
— Pas de défaitisme, Montfranc.
— Oui chef !
— Au fait, pour votre rapport…
— Je m’y mets immédiatement !
— Ce n’est pas la peine… Laissez tomber cela.
— Mais…
— Pas de “mais”, Montfranc : laissez tomber !
— Bien chef…
Il raccrocha le téléphone et resta un instant pensif. Pourquoi l’écartait-on ainsi de l’affaire ? Il ôta lentement la toile grise qui protégeait sa machine à écrire et garda un moment le morceau de tissus dans les mains, jouant pensivement avec. Brusquement il se leva, le jeta au sol avec rage et attrapa sa veste dans l’intention de quitter le bureau. Comme il allait l’enfiler, il se souvint du disque blanc qu’il avait trouvé la veille, sur le corps du meurtrier, et se mit à fouiller fébrilement dans ses poches.
Il revint vers son bureau en faisant miroiter le petit morceau de métal dans la lumière. Nulle inscription n’y figurait, rien que du métal lisse, uni, plutôt léger. Alain essaya de le tordre, sans succès… Et pourtant il n’était pas épais !
On frappa à la porte.
— Entrez ! répondit Alain.
— Salut Alain.
— Bonjour Christophe. Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de ta visite ?
— Il paraît que tu as encore fait des tiennes ?
— Comment le sais-tu ?
— J’étais dans le bureau du boss quand tu lui as téléphoné. Bien sûr il m’a fait sortir, mais tu connais l’isolation acoustique de son antre ?
— Plutôt ! On l’entend mieux dehors que dedans…
— N’exagère quand même pas ! Alors qu’as-tu encore fait ?
Alain lui narra brièvement l’histoire. Il conclut :
— Bref je n’y comprends pas grand chose… De cette histoire je ne tire que des questions : d’où venait l’homme ? Pourquoi a-t-il tiré sur le conducteur ? Pourquoi était-il mouillé ? À quoi sert le disque qu’il avait sur lui ? Pourquoi…
Christophe l’interrompit :
— Calme-toi mon vieux. Et si c’était une bête histoire de mari jaloux ?
— Tu te vois, toi, aller attendre l’amant de ta femme dans un tunnel de métro ?
— Ma femme n’a pas d’amant, je te remercie !
— Tu comprends très bien ce que je veux dire…
— Et ton sens de l’humour, Alain ?
Voyant que ce dernier tapotait nerveusement sur son bureau, il ajouta :
— Excuse-moi, je ne pensais pas que cette affaire te tenait tellement à cœur…
Alain ignora l’interruption et poursuivit :
— Et même si c’était un mari jaloux, comment aurait-il reconnu sa cible dans un RER venant vers lui à toute vitesse…
— Tu as raison… Je ne peux pas répondre à ta première question. Quant à la deuxième…
— La deuxième ?
— Oui. Tu as dit “d’où venait-il ?”
— Hé bien ?
— Tu as bien dit que l’homme était mouillé…
— Et alors ?
— Où y a-t-il de l’eau dans Paris ?
— Dans les égouts ?
— Pas seulement : il y a aussi les carrières…
— Les carrières ?
— Les anciennes carrières, les catacombes si tu préfères…
— Et pourquoi pas les égouts ?
— Tu aurais remarqué l’odeur du mec…
— C’est vrai, il ne sentait pas particulièrement mauvais. Mais de toutes façons les carrières et les égouts c’est du pareil au même…
— Faux ! Il n’y a pas de communication entre les deux ! Et de toutes manières, le RER passe bien en dessous des égouts…
Alain se souvint de sa visite du matin dans le tunnel :
— Tu dois avoir raison : sur le chantier il venait d’y avoir un éboulement. C’est peut-être un passage qui s’est écroulé. Mais comment savoir ?
— Savoir ? Je croyais que tu devais laisser tomber l’affaire…
— Toi, tu sais quelque chose et tu me fais attendre !
Christophe sourit et resta un instant silencieux, profitant de l’impatience d’Alain. Enfin il se décida à parler :
— Il existe des cartes des carrières…
— Où ça ?
— Elles circulent parmi les amateurs. Je peux t’en avoir une si tu veux.
— Et comment !
— Je te l’apporterai dans une semaine ou deux.
— Il te faut tout ce temps ?
— Je n’en ai pas ! Il faut que je retrouve un vieux copain et…
— Ah ! commenta Alain, un peu déçu. Je pensais que tu en avais une. Mais ce n’est pas grave : je sais attendre…
— Je ferai de mon mieux. Bon, je dois y aller.
Christophe se dirigea vers la porte. Il hésita un instant et se retourna :
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