Accueil > Divers (et d’été) > Babel - Un (mauvais) roman de mon ami Luc > 05.01. Babel - Chapitre V (1/4)
05.01. Babel - Chapitre V (1/4)
lundi 1er octobre 2007, par
Chapitre V
L’homme conduisait silencieusement et tout en souplesse. “Une conduite de coureur automobile”, songea Alain. Il se faufilait entre les autres véhicules, tant et si bien qu’ils traversèrent Paris en un temps record. Ils mirent néanmoins un bon moment avant d’arriver car ils durent tourner assez longtemps à la recherche d’une place de parking, qu’ils finirent par trouver dans une petite ruelle.
L’homme rangea sa voiture en une manœuvre parfaite, fit vrombir le moteur une dernière fois et coupa le contact.
— Nous y voici, dit-il.
— Vous conduisez rudement bien…
— J’ai pris des cours autrefois. Si on ne sait pas parfaitement maîtriser son véhicule, il est totalement illusoire de vouloir conserver une voiture à Paris. On va plus vite en métro, et même à pied…
— Entièrement d’accord. Pour ma part j’ai depuis longtemps arrêté de me déplacer autrement qu’en utilisant les transports en commun…
— Vous êtes courageux. Pour ma part j’ai une sainte horreur de ce grouillement humain…
— Il suffit d’un peu de volonté.
— Vous êtes un sage !
— Je peux vous retourner le compliment.
— Non ! Je ne suis qu’un vieux fou d’individualiste qui préfère prendre des risques plutôt que d’abandonner sa très chère indépendance !
Alain sourit à cette exagération. Il ouvrit sa portière et descendit sur le trottoir où l’homme le rejoignit peu après pour le conduire jusqu’à son appartement, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble moderne.
Au moment d’ouvrir la porte, il hésita un peu :
— Euh… Je suis un peu désordonné. J’ai une certaine honte à vous faire entrer. Cela fait assez longtemps que je n’ai pas pris le temps de ranger.
— Aucune importance, répondit Alain. Je suis moi-même assez bordélique. Je sais ce que c’est ! Et puis ne dit-on pas qu’être trop ordonné est le signe d’un esprit dérangé ?
— Bonne réponse… Je m’en resservirai !
L’homme passa devant lui et alluma la lumière, dévoilant un spectacle digne des ruines de Pompei ou d’Herculanum… Lorsqu’il avait parlé d’un certain désordre, il était resté en dessous de la vérité : dans son cas il aurait mieux fallu parler d’un désordre certain. Des piles de dossiers poussiéreux s’appuyaient contre les murs, laissant juste un étroit passage légèrement sinueux. Il se dirigea vers la fenêtre et ouvrit les volets :
— Quand je ne suis pas là, je ferme toujours. Mon appartement est au rez-de-chaussée. Il faut être prudent. De nos jours… Mais je manque à tous mes devoirs : voulez-vous boire quelque chose ?
— Non merci, répondit Alain qui commençait à piaffer d’impatience.
L’homme le comprit sans doute :
— Ah ces jeunes, toujours pressés…
— Excusez-moi… Mais, vous savez, je travaille sur une affaire qui me tient terriblement à cœur !
— C’est votre travail qui est la cause de votre intérêt pour la tour ?
— Oui, je suis inspecteur de police, répondit évasivement Alain, restant volontairement discret sur son enquête.
— Je suppose que vous ne pouvez pas m’en dire plus, exagéra l’autre en rajustant ses lunettes.
Il se passa la main sur son front dégarni et ajouta :
— Voyons. Le dossier sur la tour. Je ne l’ai pas vu depuis longtemps, murmura-t-il.
Alain se demandait s’il arriverait à mettre la main dessus. L’homme commença à fouiller les piles, manquant souvent de les faire s’effondrer et marmonnant pour lui-même :
— Voyons, ça ne doit pas être là… Ni là. Ah, ici peut-être…
Il inspecta successivement tous les amoncellements de papiers hétéroclites, sans succès. Alain était un peu déçu. Il avait tant espéré que ces documents pourraient lui en apprendre un peu plus sur Babel.
Finalement l’autre eut un éclair de génie :
— Ça y est, je m’en souviens, je les ai descendus à la cave.
— Allons-y, l’encouragea Alain.
— Un instant, je referme les volets.
— Pour cinq minutes ?
— On n’est jamais trop prudent. J’ai un ami qui habite au rez-de-chaussée, comme moi. Un jour il est sorti acheter son pain. Lorsqu’il est revenu on lui avait volé sa chaîne hi-fi et son poste de télé. Depuis je suis prudent !
Alain le laissa verrouiller son blockhaus sans mot dire et ils descendirent à la cave. L’homme fouilla un instant dans le trousseau de clefs qu’il avait emporté et finit par découvrir celle qui correspondait au cadenas fermant la porte. Il tenta de l’enfoncer, sans succès :
— C’est pourtant cette clef-là, grogna-t-il.
— Laissez-moi regarder…
Alain s’accroupit et examina la serrure : un petit morceau de métal en dépassait. Il le pinça entre les ongles et tira. Il s’agissait d’une petite tige de métal coudée en son extrémité.
— On a tenté de forcer votre cave, dit-il en se relevant.
— Tenté ou réussi ?
— Tenté seulement…
— Vous êtes certain ?
— Oui… On a essayé de l’ouvrir avec ceci, dit-il en lui présentant le morceau de métal. Mais ça a cassé, ou bien le voleur a-t-il été dérangé et est parti rapidement, en brisant son outil.
— Mais qui…
— Ce sont des choses qui arrivent, vous savez. Au commissariat il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un ne vienne déclarer un vol.
— Vous voyez, j’avais raison de tout fermer là-haut : le quartier n’est pas sûr !
Alain ne répondit pas. L’homme ouvrit la porte, sans problème cette fois-ci.
(c) 1992 Luc de Bauprois - Tous droits réservés
La loi du 11 Mars 1957 n’autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faites sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal